Que penser du régime cétogène ?
12/04/2023 5 mins de lecture
Le régime dit « cétogène » est un régime amincissant qui repose sur la suppression quasi-complète des sucres et amidons (glucides) de l’alimentation et la consommation accrue de matières grasses (lipides) pour fournir l’énergie dont le corps a besoin.Cependant, en raison de ses effets indésirables et de ses conséquences sur la santé à long terme, le régime cétogène n'est pas viable sur le long terme.
S’il est efficace pour perdre du poids sur de courtes durées, ce régime restrictif peut provoquer des effets indésirables gênants et des déséquilibres alimentaires importants. Parce qu’il n’est pas tenable sur la durée, il expose à une reprise de poids plus importante lors du retour à une alimentation normale (« effet yo-yo »). Dans la prise en charge de certaines maladies chroniques (en particulier l’épilepsie des enfants résistante aux médicaments), le régime cétogène n’a pas fait ses preuves en termes de données scientifiquement fiables.
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Qu’est-ce que le « régime cétogène » ?
Le régime dit « cétogène » (ou « kéto ») est un régime amincissant qui repose sur la suppression quasi-complète des glucides (sucres et amidons) de l’alimentation : moins de 50 grammes par jour, soit 6 fois moins que la moyenne pour une alimentation équilibrée. Pour apporter les calories nécessaires à la vie, il est alors indispensable de consommer plus de protéines et, surtout, de matières grasses (lipides). Pour simplifier, on mange du gras pour maigrir, en supprimant les sucres et féculents !
Le régime cétogène n’est pas seulement proposé pour perdre du poids. Il est également vanté pour ces bénéfices dans la prise en charge de certaines maladies chroniques, en particulier l’épilepsie chez les enfants mais aussi les cancers, la maladie d’Alzheimer ou les maladies inflammatoires chroniques (maladie de Crohn, polyarthrite, spondylarthrite, etc.).
Quels sont les mécanismes du régime cétogène ?
Dans ce type de régime, le corps doit s’adapter pour fabriquer le glucose (sucre) nécessaire à son fonctionnement, malgré la faible quantité de glucides dans l’alimentation. Le foie va en fabriquer à partir des matières grasses (consommées ou présentes dans le corps) mais aussi des réserves de glycogène (une molécule qui sert à stocker le glucose dans le foie et les muscles). Ce mécanisme s’enclenche en 48 heures lorsque l’apport en glucides alimentaires disparaît.
Au bout de 2 à 3 semaines, les réserves de glycogène s’épuisent et seules les matières grasses (et les protéines des muscles en l’absence d’exercice physique régulier…) servent de carburant. Ces lipides sont décomposés en « corps cétoniques » (en particulier le bêta-hydroxybutyrate) qui sont utilisés par les cellules pour produire de l’énergie, d’où le nom de régime cétogène.
Ce changement d’alimentation est efficace pour brûler les graisses du corps (sauf bien sûr si on mange trop d’aliments gras !) et une perte de poids est rapidement observée, jusqu’à plusieurs kilogrammes en un mois. Mais…
Quels sont les dangers du régime cétogène ?
Le régime cétogène peut provoquer des effets indésirables pénibles : nausées, constipation, fatigue, maux de tête, crampes, mauvaise haleine, voire calculs rénaux. De plus, il peut être à l’origine de déshydratation si la personne ne boit pas davantage que d’habitude (au moins 2 litres par jour). Par ailleurs, la suppression des fruits et de certains légumes expose à des risques de carence en sels minéraux, vitamines, oligo-éléments et fibres (ce qui nuit au transit et à la flore intestinale).
De plus, en cas de régime cétogène, il est indispensable de consommer préférentiellement des matières grasses végétales (huiles, en particulier celles à forte concentration en acides gras oméga-3 comme l’huile de lin ou celle de cameline, fruits à coque, avocats, etc.) plutôt qu’animales (beurre, viandes, fromages, etc.) pour prévenir le risque d’excès de cholestérol dans le sang et de « foie gras » (stéatose hépatique), comme l’ont montré plusieurs études contrôlées (« randomisées »).
Pour toutes ces raisons (et pour éviter de déprimer à ne plus manger de glucides…), le régime cétogène ne peut être que temporaire. Et c’est là où le bât blesse : après ce régime, les personnes ont tendance à reprendre rapidement du poids, souvent davantage qu’avant le régime (« effet yo-yo »).
Que penser du régime cétogène dans la prise en charge de certaines maladies ?
Depuis un siècle, le régime cétogène est proposé pour réduire la fréquence des crises d’épilepsie chez les enfants réfractaires aux traitements habituels, sans réelles preuves expérimentales. Des médecins avaient observé une diminution des crises chez des enfants forcés de jeûner pour d’autres raisons. Pour cette raison, le régime cétogène est parfois mis en place chez les enfants dont l'épilepsie s'aggrave malgré les médicaments. Il nécessite un suivi médical très strict. Cet usage du régime cétogène a perdu de sa crédibilité lorsqu’une analyse croisée des essais cliniques sur le sujet a été publiée en 2020 par le réseau Cochrane, analyse qui ne montre guère de bénéfices et met en avant les effets indésirables de ce régime (diarrhées, constipation et vomissements) et la difficulté des parents des enfants épileptiques à le mettre en œuvre de manière durable. Néanmoins, il est encore parfois prescrit aux enfants gravement épileptiques résistants aux traitements.
Concernant les maladies inflammatoires chroniques (maladie de Crohn, polyarthrite, spondylarthrite, etc.), l’usage du régime cétogène reposerait sur le fait que les corps cétoniques auraient montré une action anti-inflammatoire. La réalité est loin de toutes ces promesses. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a publié en janvier 2019 les résultats d’un travail qui montre clairement que le bêta-hydroxybutyrate (le corps cétonique le plus produit lors d’un régime cétogène), loin d’être anti-inflammatoire, favorise au contraire l’inflammation ce qui pourrait provoquer des complications dans les maladies inflammatoires chroniques et dans la maladie d’Alzheimer.
Dans le domaine du cancer, les spécialistes déconseillent formellement le régime cétogène qui pourrait théoriquement aggraver, via une exacerbation de l’inflammation, une diffusion des métastases. En 2018, une analyse croisée des 11 études cliniques menées sur l’action du régime cétogène dans le cancer a été publiée dans le Journal of Human Nutrition and Dietetics : elle conclue à l’absence de preuves convaincantes.
En conclusion, le régime cétogène est une stratégie amaigrissante qui, si elle a des effets visibles rapidement, n’est pas tenable sur la durée du fait de ses effets indésirables et de ses conséquences sur la santé à long terme. Comme tous les régimes restrictifs, le régime cétogène expose à un effet yo-yo lorsque la personne arrête de le suivre. Pour toutes ces raisons, les médecins nutritionnistes déconseillent le régime cétogène et préfèrent opter pour un rééquilibrage alimentaire comprenant toutes les familles d’aliments, plus facile à respecter dans la durée et, au bout du compte, plus efficace. Son usage dans la prise en charge de diverses maladies chroniques ne repose sur aucune preuve scientifique d’efficacité fiable.